POURQUOI LA FAST FASHION NE DEVRAIT PLUS EXISTER.
Depuis ces derniers mois, les grandes enseignes de fast-fashion sont la cible de nombreuses accusations. Pourtant, malgré tous les scandales, le monopole de ces marques sur le marché de la mode reste total et invulnérable. C'est un empire de magasins qui se déploie à travers le monde, si puissant et prolifique que même les plus sordides inculpations ne suffisent à le déstabiliser. Fermement implantée dans notre consommation , la fast-fashion défie tout le secteur textile, avec ses prix insignifiants et la quantité de vêtements qu'elle nous offre, si importante qu'elle donne l'impression d'être infinie.
C'est pendant les années 70 que naît ce qui deviendra plus tard le phénomène incontournable qu'est la mode à petit prix. Dans la petite ville espagnole de Busdongo de Arbas, un jeune couturier sans le sou décide de s'inspirer des créations des maisons de luxe, les reproduire à un coût largement inférieur afin de les vendre aux classes plus modestes ; c'est ainsi que Amancio Ortega, aujourd'hui 6e fortune mondiale, lance ce qui va garantir son succès. Peu après, il fonde Zara, marque de prêt-à-porter aux prix irrésistibles, qui se targue de "démocratiser l'accès à la mode", qui était à l’époque très élitiste. Petit à petit, Zara devient un des leaders de l'industrie du vêtement, avec ses 2000 magasins dans près de 100 pays. Malgré la concurrence, cette marque reste indétrônable notamment par sa rapidité et par l'incroyable diversité de sa marchandise, constamment renouvelée. En moyenne, Zara sort 65 000 nouveaux produits chaque année, soit près de 200 produits par jour. L'entreprise rencontre un tel succès que le PDG est par la suite le propriétaire d'Inditex, le premier groupe de textile au chiffre d'affaire qui s'élève à 26 millions d'euros, auquel appartiennent non seulement Zara, mais aussi Stradivarius, Pull&Bear, Oysho, Massimo Dutti ainsi que Bershka des incontournables de la fast-fashion.
Inditex s'est installé en Algérie en 2013, et refuse de communiquer sur son chiffre d'affaires depuis. Néanmoins, il est certain que le groupe possède le monopole de la vente de vêtements en grande surface ; à Alger, ils sont la référence en termes de vêtement de qualité, bien que leur prix soit peu abordable.
L'industrie de la fast-fashion s'est construite en étroite liaison avec cette culture de la tendance, qui, depuis ces dernières années, est toujours plus éphémère. Ce phénomène, accentué par les réseaux sociaux, fait qu'une trend qui y naît va connaître un engouement massif, exploser, puis disparaître au bout de six mois ou une année – avant de refaire surface une décennie plus tard. En conséquence, les consommateurs se tournent vers des marques qui proposent des vêtements trendy, pas chers, et surtout qu'ils recevront rapidement. Autant dire que la cadence à laquelle tournent leurs entrepôts est plus qu'effrénée.
C'est ainsi que le site de vente en ligne immensément célèbre Shein s'est imposé. Shein propose des copies bon marché de vêtements de luxe à des prix dérisoires, avec une livraison quasi immédiate. La marque a doit également sa côte aux hauls des influenceurs, qui achètent des quantités astronomiques de vêtements sur Shein pour les présenter à leur communauté. Au-delà de promouvoir une marque éthiquement discutable dont l'impact environnemental est indéniable, ces pratiques créent une culture autour de l'achat. Ce dernier est ainsi banalisé et de ce fait, multiplié. Les entreprises jouent de cela, et envoient quotidiennement des vêtements aux influenceurs afin qu'ils se postent en les portant. Résultat ? On voit cette longue robe verte partout, on a l'impression que c'est la pièce de l'année et quelques mois plus tard le phénomène s'essouffle et on la retrouve en friperie.
En France, chaque habitant jette en moyenne 12 kg de vêtements par an. Aux Etats-Unis, les chiffres tournent autour de 37 kg par personne. H&M brûle 15 tonnes de vêtements chaque année parce que les collections gigantesques ne se sont pas écoulées, et que “ de toute façon il est trop tard, plus personne ne regardera ce qui était tendance il y a trois mois “. Les tonnes de déchets, la précarité et les conditions de travail insalubres que cause la fast fashion sont justifiés par les 3000 milliards de dollars qu'engendrent chaque année l'industrie du textile, chiffre titanesque qui augmenterait de 60% d'ici 2030.
Grâce à tout cela, aujourd'hui enfin, le vêtement est démocratisé et mondialisé. Or paradoxalement, aujourd'hui nous réalisons peu à peu l'énorme impact négatif de ce business. Nous nous tournons de plus en plus vers la seconde main, les vêtements d'occasions, les petits business éthiques et écoresponsables. Or Inditex et ses confrères continuent de prospérer.
Nous sommes la raison pour laquelle ils gagnent autant, et peuvent continuer leurs activités en paix. Nous sommes les milliers de milliards de dollars qui les encouragent, qui les confortent dans l'idée qu'”au fond, peu importe, tant que c'est joli et que c'est pas cher on peut fermer les yeux et refuser de voir au-delà de l'étiquette”. Nous encourageons ces entreprises à sous-payer leurs employés, les faire travailler dans des conditions proches de l'ère victorienne, nous les poussons à jeter des tonnes de vêtements en polyester pour produire, produire toujours plus, toujours plus vite et toujours moins cher.
On sait pertinemment ce qui en est des vêtements à moins de dix euros. Mais on sait qu'on l'achètera, parce qu'une protestation au milieu de milliards de consommateurs, ça ne changera pas grand-chose, n'est-ce pas ?
- LAKEHAL-AYAT Camyla, 1ère4, rédactrice.