La plus grande catastrophe environnementale du 20ème siècle : La mer d’Aral.
C’est le sentiment d’absurde qui s’empare de l’homme voyant pour la première fois cette photographie, cet absurde qui naît de la confrontation entre la logique humaine et l’irrationalité d’un monde que l’on peine à déchiffrer. Des navires, habituels pourfendeurs des eaux, rouillent en effet ici sur une bien drôle de mer, faite de sable. Mais derrière ce paysage aux airs oniriques se cache une réalité dystopique, celle de la plus grande catastrophe naturelle causée par l’homme au 20ème siècle : l’assèchement de la mer d’Aral causé par les soviétiques.
Contextualisons d’abord.
La mer d’Aral se situe en Asie centrale et s’étend sur une surface de 68 000km² en 1960, principalement répartie sur l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. Avec un bassin formé il y a environ 3 millions d’années, il s’agit au 20ème siècle du 4ème plus grand lac d’eau salé au monde. Cet immense lac a vu son volume varier depuis son apparition il y 10 000 ans, entre asséchement et inondation, pour atteindre un état relativement stable depuis 600 ans avec une profondeur moyenne de 16 mètres.
De la grande mer d’Aral, il ne reste dès 1989 que deux bassins : la Petite Mer au Nord et la Grande Mer au Sud. A elles deux, elles totalisent une surface d’à peine 8 303km² (une réduction de 75%) pour une profondeur moyenne de 14m et une salinité trois plus élevé qu’auparavant.
Mais que s’est-il passé ? Un épisode de sécheresse intense ? Et non, c’est bien la main de l’Homme qui est à l’origine de cette catastrophe. De fait, en 1918, les soviétiques récemment arrivés au pouvoir décident de dévier une partie de l’eau des deux principaux fleuves qui alimentent la mer d’Aral pour irriguer des plantations agricoles en actuel Ouzbékistan, Kazakhstan ou Turkménistan (rizières, cultures de cotons et de blé…). 40 ans plus tard, cette stratégie est poursuivie à plus grande échelle dans le but d’intensifier la production de coton de la région. Les fleuves d’Amou-Daria et Syr-Daria sont donc en grande partie détournés pour alimenter les différents canaux d’irrigation, notamment le plus grand du monde, celui du Karakoum. Le volume d’eau atteignant l’Aral n’étant dès lors plus suffisant, le lac salé a commencé à rapetisser pour atteindre son état actuel malgré certains efforts des États riverains.
Les conséquences de cet asséchement sont catastrophiques. Sur le plan environnemental, l’explosion de la salinité de l’eau l’a rendu impropre à la consommation mais a surtout conduit à la disparition de la quasi-totalité des espèces marines peuplant cet espace.
Sur le plan humain, le bilan est tout aussi lourd. Au fil des années, les fonds de la mer d’Aral ont été recouverts par les pesticides utilisés dans les plantations environnantes. Quand ces dépôts ont fait surface suite à la disparition des eaux, ils ont été charriés par les vents dans toute la région. Les habitants, majoritairement des Karakalpaks, ont alors commencé à développer des maladies graves (cancers, insuffisance rénale, anémie) à des fréquences anormalement élevées et le taux de mortalité infantile est devenu l’un des plus hauts du monde. La disparition de la majorité des animaux aquatiques et l’éloignement des ports par rapport aux points d’eau restant ont quant à eux détruit le secteur de la pêche, entrainant un exode des populations locales qui en vivaient.
De nombreux efforts ont toutefois été entrepris pour préserver ce qu’il reste de la mer d’Aral. Des digues ont vu le jour, notamment celle de Kokaral mesurant 22km et financée par la Banque Mondiale, et des projets de détournement de grands fleuves ont été proposés. L’avenir de cette étendue n’en reste pas moins incertain car tandis que la Petite Mer voit son niveau d’eau remonter et pourrait assister au retour de certaines espèces de poissons, la Grande Mer s’assèche de plus en plus et s’avère beaucoup trop salée et polluée pour la pêche.
- HAMDANE Rayane, T1, rédacteur.