La conquête spatiale : du soft power jusque dans l’espace
Qui d’entre nous n’a jamais rêvé de devenir astronaute, et qui d’entre nous a vite abandonné l’idée en se heurtant à la dure réalité de la rigueur scientifique qui entoure ce métier ? Si pour la plupart des amateurs du ciel, il ne s’agit là que d’un rêve d'enfance, c’est aujourd’hui la réalité d’une poignée de chanceux à l’instar, vous l’aurez deviné, de la figure française Thomas Pesquet. Récemment de retour après plus de 6 mois en impesanteur à bord de l’ISS, ses missions et celles de ses collègues là-haut questionnent beaucoup, notamment en ce qui concerne leur utilité, compte tenu de la somme astronomique qui leur est dédiée.
Les enjeux liés à l’espace ne sont plus tout à fait les mêmes depuis le temps de la Guerre Froide. Dans un monde où les deux couleurs revêtues se limitaient au rouge communiste et au bleu d'azur capitaliste (a quelque nuances près), l’espace était un terrain de dispute pour chacune des puissances. Du premier satellite Spoutnik en 1957 à la mission apollo 11 en 1969, en passant par le premier être vivant, le chien Laïka, à sortir de l'atmosphère ; la course spatiale est alors un domaine où s'expriment les rapports de forces interétatiques. Outre la géopolitique spatiale, ces différentes missions ont également donné lieu à des retombées ici sur terre, de par les avancées technologiques engendrées (invention du micro-onde, développement des missiles, des radars, du GPS…) ; des inventions d’autant plus utiles qu’elles touchent principalement le domaine de l’armement, dans un contexte bipolaire ou toute avancée est inscrite sous le sceau de l'idéologie du pays d’origine.
Si de telles considérations géopolitiques permettent encore aujourd’hui à certains pays comme la Chine d’affirmer leur puissance, le temps est plus à la collaboration comme en témoigne le projet de la station spatiale internationale. Lancée en 1998, elle est actuellement la construction la plus massive de l’espace. Le projet est né d'une étroite collaboration entre la NASA américaine et l’agence spatiale russe, ainsi que d'autres intervenants internationaux (comme le Canada, l’Europe et le Japon notamment). Du chemin a bien été fait depuis la guerre des étoiles, un chemin assez sinueux mais surtout peu économe: 115 milliards de dollars ont été investis pour ce projet inédit. Mais alors, mis à part la symbolique de collaboration, qu’est-ce que ce module apporte réellement ? C’est là que les questions autour des missions des astronautes trouvent leurs réponses. Qui dit espace, dit bien évidemment impesanteur, et il s'avère que se débarrasser des contraintes physiques de la Terre contribue à la recherche scientifique. L’ISS (International Space Station) est donc un laboratoire gigantesque (et surtout flottant) où des dizaines d’expériences sont pratiquées chaque jour pour le compte d'entreprises privées ou d’instituts de recherche, en plus des éventuelles sorties en combinaison qui nous informent de plus en plus sur le fonctionnement du corps humain dans cet environnement qui lui semble incompatible. La médecine oculaire par exemple doit ses dernières avancées à l’ISS, ainsi que d’autres découvertes impliquant de nombreux autres domaines.
Mais malgré tous les avantages que présente l’espace, il n’en demeure pas moins que les budgets attribués par les Etats vis-à-vis de ce secteur s’amoindrissent à vue d'œil. En effet, l'entretien de la plateforme et du personnel qui passe plus de 6 mois à bord de l’ISS coûte entre 3 et 4 milliards de dollars annuellement, un gouffre financier que sont alors venues combler ces nouvelles sociétés privées, américaines notamment. On pense notamment à SpaceX du milliardaire Elon Musk ou encore à Blue Origin de Jeff Bezos, sans qui le ravitaillement des astronautes n’aurait pu s'effectuer dans le milieu des années 2000. Le premier est alors à l’origine d’une technologie révolutionnaire, tant techniquement que financièrement, puisqu’il s’agit de la capsule crew dragon, un lanceur capable de faire le chemin inverse et de revenir en amerrissant dans l'océan. Plus léger, mais tout aussi lucratif, le tourisme spatial est pris d’assaut par ces sociétés qui ont proposé des dizaines de vols de quelques minutes en apesanteur. Les derniers vaisseaux du genre se sont envolés pour la dernière fois le 11 décembre 2021.
Ainsi ce secteur en plein essor et dont les enjeux ont varié au cours du temps a toujours plus ou moins été motivé par la recherche scientifique. Si ces nouvelles compagnies privées visent à présent la planète rouge, d’autres moyens moins coûteux de réaliser des expériences en impesanteur sont aujourd’hui disponibles, comme les vols en zéro G, mais c’est sans compter les sublimes clichées de la Terre pris par Thomas Pesquet depuis l’ISS qui manqueront à l’appel.
TAHI Chanez, T.2, rédactrice.