Kazakhstan
Le 02 Janvier 2022, suite à une forte hausse du prix des carburants, des manifestations éclatent à Zhanaozen, à l’Est du Kazakhstan. Celles-ci s’intensifient et se propagent jusqu’à la capitale économique du pays : Almaty. Des manifestants ont alors jusqu’au 11 janvier, combattu les forces de l’ordre férocement, dans un appel à la réforme économique, mais surtout politique et sociale. La réponse sera ferme : le président Kassym-Jomart Tokayev autorise les tirs à bout portant sur les manifestants. Quels sont les facteurs qui ont mené à ces décisions du peuple et du gouvernement ? Quelles sont les revendications des deux partis ?
Un climat d’instabilité s’installe au Kazakhstan dès les premières heures de 2022. Le gouvernement annonce une hausse des prix des carburants, de quoi effrayer les Kazakhs ! Les manifestants sortent dans les rues de tous les recoins du pays, le gouvernement est pris par surprise. Il faut dire que depuis la pandémie, avec une économie qui dépend de l’exportation, il est difficile de maintenir les prix suffisamment bas pour le pouvoir d’achat de la population. Les manifestations au Kazakhstan sont très rares et depuis 1991 et donc la chute de l’URSS, jamais il n’y a eu de telles manifestations dans le pays.
L’armée, non préparée, était alors débordée et impuissante du fait de l'éloignement des différents lieux de manifestations et du nombre de manifestants très important. Disons-le, le rôle des réseaux sociaux est indéniable dans la coordination et la propagation de ces émeutes, mais aussi dans l’émergence de rumeurs et de fake news quant aux décisions gouvernementales. Le pouvoir a d’ailleurs coupé l’Internet durant la révolte. L’escalade de la violence a été soudaine et la décision brute : "J'ai donné l'ordre de tirer pour tuer sans avertissement" dit le président Tokayev. Incendies, pillages, morts.. Le témoignage d’un français ayant résidé au Kazakhstan (@pl.mieze sur Instagram) relate ces événements : « Mon chauffeur de taxi s’est servi dans une armurerie vandalisée à Almaty, il prit un couteau et me le montra tout fier de lui en indiquant aux manifestants où étaient les armureries ». En bref, un climat de terreur. “Même si la situation s’est assez calmée, le bilan est incertain, les derniers chiffres officiels parlent de 164 morts, mais tout le monde se doute qu’il y a eu beaucoup plus de victimes” ajoute-t-il.
Rapidement l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) intervient avec beaucoup de soutiens Biélorusses et Russes. L’OTSC s’est imposée comme l’OTAN de l’Europe de l’Est et d’Asie Centrale, avec plus de 3000 troupes russes déployées au Kazakhstan. En effet le pays traverse une crise économique majeure et l’aide d’autres pays était nécessaire. Il subsiste grâce à la rente des exportations d’hydrocarbures (Uranium, Gaz…) tout comme l’Algérie ou la Russie. L’énergie Kazakh est alors à 50% basée sur le charbon, 25% sur le pétrole et 25% sur le gaz. Afin de se rapprocher de la neutralité carbone, le pays a décidé au printemps 2019 de baisser les quantités extraites de charbon et au contraire d’augmenter les extractions de gaz, sachant que 70 à 90% des automobilistes roulent avec ce carburant. Le 01 janvier le prix du litre de Gaz GNL atteint 120 tenge (0,24 euros) pour un salaire mensuel d’environ 600 euros, de quoi provoquer la colère des habitants.
Mais si les prix du carburant ont réussi à baisser atteignant 50 tenge (0,1 euro) le litre, il y a rapidement eu des revendications politiques. Tokayev a limogé les membres du gouvernement et a déclaré l’état d’urgence. Les manifestants ont appelé à la poursuite en justice de Nursultan Nazarbayev, ancien président considéré comme le père fondateur du Kazakhstan. Le président actuel a donc pris la tête du Conseil de sécurité et a évincé rapidement son prédécesseur, démettant au passage un parent de Nazarbayev de son cabinet. Le président a su renverser son adversaire de toujours. Jusque là le Kazakhstan était « dirigé par ces deux personnes ». Les réformes sont fortes et ont pour but de bloquer l’opposition et son soutien populaire :
- Réforme sur la Santé et Création d’un fond social
- Réorganisation des forces de l’Ordre
- Amélioration des salaires moyens et de leur protection judiciaire
- Réforme des banques (contrôle des transactions)
Cette “révolution” nous pouvons le dire; a été énormément comparée à la révolution Orange Ukrainienne, ainsi qu’aux émeutes de Biélorussie en 2020-2021. L’Europe de l’Est, plus précisément les régions de l’ex-URSS, subissent des temps de troubles énormes ces dernières années. La Russie comme acteur majeur, némésis de l’Occident, a encore un impact énorme sur ces populations, une partie du Kazakhstan est en effet de population et de langue russe. Et même si le Kazakhstan tente tant bien que mal de rompre avec cette image rattachée à la Russie en implantant notamment des sociétés de carburant dans le pays comme la société pétrolière américaine Chevron, Tokayev ne peut cependant pas négliger l’aide russe pour mater les révoltes.
En bref, dans une incapacité à déployer les ressources nécessaires pour faire taire les voix du peuple Kazakh, dont l’envie de renouveau politique fut sans précédent, la nation traversa une crise économique dû à l’augmentation des prix du carburant. Des témoignages voire les paroles du président Tokayev lui-même nous ont montré à quel point cette révolution est singulière pour le pays dans son idéologie. Avec l’aide de l’OTSC, les émeutes furent comprimées et stoppées après des meurtres et des bains de sang, au prix de fortes réformes politiques et socio-économiques.
Sources: