Isabelle Eberhardt.
Nous sommes en 1877, celle que l'on nommera « La Louise Michel du Sahara », « la Révélation du Sahara » ou encore « l'Amazone des sables » est née à Genève. Personnage emblématique et incontournable de l’Algérie du XIXème au XXème siècle, cette femme a intrigué tant d’esprits et sa vie, bien que brève, a fait couler beaucoup d’encre.
Isabelle Eberhardt est née d’un père russe et d’une mère d’origine allemande. Elle vivra une enfance cloîtrée dans une maison familiale près de Genève où elle recevra une éducation polyglotte. Privée de sa liberté, elle passera ses journées à lire et à écrire, ce qui lui permettra de se découvrir une passion pour l’écriture et une vocation pour le journalisme mais aussi et surtout son désir de liberté et sa personnalité nomade. Elle écrira en ce sens un article autobiographique où elle lève le voile sur sa personnalité, en 1903 : « Telle est ma vraie vie, celle d’une âme aventureuse, affranchie de mille petites tyrannies, de ce qu’on appelle les usages, le « reçu »… et avide de vie au grand soleil changeante et libre ».
Son attirance pour les pays musulmans d’Orient résultera en son premier séjour à Bône actuelle Annaba avec sa mère en 1897, un séjour qui lui donnera l’occasion de goûter à cette liberté dont elle a tant rêvé, liberté qui deviendra petit à petit un mode de vie. Très complices avec sa mère, elles quittent les quartiers des expatriés pour se fondre dans la population locale des quartiers algériens.
Quelques mois plus tard la mère d’Isabelle décède, c’est le début de la vie de nomade de la jeune femme. Elle se renommera Mahmoud Saadi et commencera sa quête vers le désert saharien. Son déguisement d’homme permettra à la jeune femme d’accéder à des endroits qui leur sont réservés, et ainsi d’en apprendre toujours plus sur la population dite indigène. Mais aussi et surtout, ce déguisement lui permettra d’écrire et d’être journaliste avec un peu plus de liberté.
Devenue journaliste et Si Mahmoud, elle découvre le monde colonial, ses duretés et ses injustices. Elle se forgera ainsi un avis à l’égard du colonialisme français dont elle déplore les excès tout en défendant la présence française comme meilleure que la colonisation ottomane. Elle servira tout de même de guide au colonel Lyautey pour la colonisation du Maroc et devient son amie. C’est l’un des nombreux paradoxes liés aux convictions de la jeune femme puisqu’elle tient également des positions contradictoires à l’égard de son comportement pouvant être apparenté à du féminisme ; en effet, elle refuse d’en faire un engagement politique puisqu’elle dénonce le féminisme verbal des journaux. C’est pourtant l’ordre patriarcal qui l’a contrainte en partie à se déguiser en homme.
C’est en 1900, à 23 ans, qu’elle rencontre Slimane Ehnni, maréchal des logis des Spahis (corps d’armée traditionnel intégré pendant l’occupation à l’armée française) qui deviendra son compagnon. Elle sera victime d’une tentative d’assassinat par un membre d’une confrérie opposée à celle de ce dernier. Isabelle, accusée d'être à la source de troubles parmi les tribus indigènes, doit repartir en France. Un procès aura lieu et son agresseur prendra 10 ans de travail forcé. Le 17 octobre 1901, son mariage avec Slimane Ehnni à Marseille lui permet d’acquérir la nationalité française. De ce fait, elle pourra rejoindre son pays de cœur, l’Algérie, que les autorités coloniales l’avaient contrainte de quitter.
Isabelle aura échappé à la mort mais celle-ci la retrouvera en 1904 à ses 27 ans alors qu’elle rentre chez elle un soir à Aïn Sefra. L'oued se transforme en torrent furieux et la ville est en partie submergée. Slimane, son conjoint, est retrouvé vivant, mais Isabelle périt dans la maison effondrée et son corps n'y est retrouvé que quelques jours après.
Isabelle Eberhardt a peu publié de son vivant. Il y eut quelques nouvelles, des articles pour la Dépêche Algérienne et El Akhbar mais la majorité de ses textes sont parus après sa mort, retrouvés dans sa maison après le drame de l’oued d’Aïn Sefra. Les pages éparpillées de son œuvre ont été publiées par son ami Victor Barrucand, directeur de El Akhbar qui a réécrit un grand nombre de ses textes pour lui rendre hommage.
Quant à elle, elle repose dans un cimetière musulman à Aïn Sefra. Elle continue d'inspirer et de marquer les esprits si bien qu’en Algérie une association lui est dédiée. Elle porte son nom et vise à faire vivre sa mémoire faisant partie de la culture algérienne et ainsi lui rendre hommage.
- BELMIHOUB Yasmin, rédactrice.
Sources :
https://www.elwatan.com/regions/kabylie/bejaia/bejaia-hommage-a-isabelle-eberhardt-06-03-2018