L'autoharpe
On raconte dans le folklore autrichien, une étrange histoire… Celle de la naissance de l’autoharpe !
C’est au cœur du XIXème siècle, dans un des cafés qui frôle le Danube, qu’un homme, Lukas Vinberg, raconte la féerie dont il vient d’être témoin.
Avant toute chose, notons que Lukas est un excellent joueur de cithare autrichienne ! Il excelle parmi peu d’autres puisque cet instrument se révèle d'une complexité impressionnante : pendant que la main droite vient slalomer entre les cordes afin de faire résonner certains sons, la main gauche vient étouffer les cordes inutiles à la mélodie.
Ainsi, Lukas est connu des scènes autrichiennes pour son talent minutieux.
Cependant, arrive un jour un malheur : Lukas perd 2 de ses précieux doigts de la main gauche.
Pour lui, tout s’effondre, sa passion, sa carrière, c’est la famine qui se colle doucement à son flanc. Et un soir, visant le Danube noir de ses pieds alourdis, la cithare autour du cou, prêt à en finir, une voix lui susurre à l’oreille d’y croire encore un peu. Une main blanche, transparente, irréelle, passa au-dessus de la cithare, et un boîtier tout d'ébène et de touches blanches vint remplacer le rôle perdu de la main de Lukas. Une autoharpe reposait dans ses bras.
Maintenant, racontons la véritable histoire de l’autoharpe de sa conception à nos jours !
L’autoharpe est tout simplement, comme vous l'avez sûrement déjà compris grâce à la légende de Lucas, la descendante de la cithare autrichienne ! Et “simplement”, c’est le mot : la cithare autrichienne demande une dextérité redoutable que seul un travail patient et intense permet d’obtenir, d’où l'utilité de la simplifier pour la rendre accessible à tous niveaux de musiciens. C’est ainsi qu’après quelques essais, Karl August Gütter, un luthier allemand, en vient à nous présenter un instrument en forme de trapèze pareil à une simple cithare autrichienne. Seulement ! Ce ne sont plus des doigts qui viennent choisir ou étouffer les 36 cordes, mais un système de lames munies de feutres, comme ceux qu’on pourrait trouver sur les marteaux d’un piano. On appuie sur un bouton et les feutres bloquent les cordes n’appartenant pas à l’accord. On peut en quelque sorte parler d’hybride entre la guitare, pour la gratte des cordes, et l'accordéon, pour les touches. Karl vient alors, en 1883, de donner naissance à l’autoharpe, qu’il appellera dans ses débuts “Volks Zither”, ou “cithare populaire” en français.
Pour ce qui est de sa diffusion, c’est Ernest Stoneman qui, dans les années 50, à l’heure du développement de la radio et du disque, va enregistrer nombreux de ses titres avec cet instrument atypique et contribuer à son expansion dans l’Amérique folk !
Prendra sa relève émérite : la Carter Family ! Le registre musical de la famille d’instrumentistes convient très bien à l’autoharpe puisque la quasi-totalité des chansons qu'ils interprètent ne nécessite que deux ou trois accords.
De plus, malgré le peu de place qu'occupe alors l’autoharpe sur les scènes et dans les radios, elle n'en demeure pas moins populaire dans les villes : l’instrument est utilisé dans les écoles pour initier les enfants à l’harmonie.
Il s'immiscera discrètement dans le mouvement prog et psychédélique, dans des disques de Genesis et de Renaissance, dans l’accompagnement de Led Zeppelin en 68. Puis ça sera au tour de Janis Joplin de l'utiliser pour reprendre des morceaux de la Carter Family dans les petits cafés de North Beach, durant son road trip à San Francisco.
Dans les années 70, l’artiste engagée Joan Baez l’utilisera dans son duo avec Bob Dylan. C’est également dans ces années-là que l’autoharpe va être popularisée en France par Hugues Aufray et Graeme Allwright.
Plus récemment, dans les années 2000, Cat Power et Bat For Lashes en ont parsemé leurs morceaux, mais n’en ont pas autant usé que PJ Harvey qui s’en est énormément servi dans son album Let England Shake alors qu’elle cherchait à lui donner un côté rétro.
Et ils sont encore une liste infinie d’artistes à avoir cédé à l’approche folk de l’autoharpe, tels que Polly Jean, Mike Seeger, Kilby Snow, Jo Ann Smith…
Aujourd’hui, l’autoharpe retrouve de sa gloire passée grâce à l’artiste francophone Pomme ! La chanteuse nommée aux victoires de la musique en 2020 en fait usage dans ses reprises de “Bad Guy” de Billie Eilish, “Lost on You” de LP “Umbrella” de Rihanna ou encore "Itsumo nando demo" de Youmi Kimura. Elle s'en sert également dans ses propres morceaux d’une mélancolie extrême : “Anxiété”, “On brûlera”, “La gare”, “Les séquoias” et “Les oiseaux”.
L’autoharpe a donc, discrètement mais sûrement, animé le mouvement folk de sa naissance à nos jours !
Maintenant que tu en sais un peu plus à propos de cet instrument plein d’histoires, si tu veux en écouter un extrait, écoute cette petite playlist :
Soukaïna FIAT, 2de5, rédactrice.