Birmanie : un coup d’État, des manifestations et puis ?
Ce samedi 30 juillet, les cadavres de plusieurs miliciens opposés à la junte militaire qui dirige le Myanmar ont été retrouvés par d’autres combattants du même groupe. Confirmé par un de leurs représentants, l’évènement est l’aboutissement de plusieurs mois de heurts de plus en plus violents qui ont suivi le coup d’État militaire du 1 février 2021. Alors que les images des manifestations pro-démocratie ont fait le tour du monde, qu’en est-il de la situation actuelle du pays depuis février ?
Février 2021 marquait un tournant dans l’histoire de la République de l’Union de Birmanie : après avoir contesté les résultats des élections législatives de novembre 2020 qui avaient consacré la victoire de la LDN (Ligue Nationale pour la Démocratie), l’armée birmane, qui occupe de façon autoritaire le pouvoir depuis 1962, fait arrêter le président Win Myint et la très populaire cheffe du LDN et Première Ministre Aung San Suu Kyi. Tous les pouvoirs sont alors attribués au chef du Tatmadaw (l’armée), le général Min Aung Hlaing, qui instaure l’État d’urgence et dissout le parlement où l’opposition est majoritaire.
Ce putsch et les manifestations organisées en réponse par la population ont connu une médiatisation exceptionnelle.
La planète entière a en effet vu cette vidéo d’aérobic où un convoi militaire passe une barricade de sécurité menant au Parlement en arrière-plan. Les photos des démonstrations (comme celle ci-dessous) ont elles aussi fait le tour de toutes les grandes chaînes d’informations et de la toile.
Face à ces protestations de rue qui prennent souvent la forme de désobéissance civile et de grèves, le gouvernement militaire met rapidement en place une pléthore de contre-mesures toujours d’actualité.
Sur le terrain, face aux foules de protestataires, les policiers et l’armée n’hésitent pas à ouvrir le feu à la mitraillette, faisant leur première victime dès le 9 février. On en dénombre plus de 800 en avril. Les arrestations elles aussi font rage, ciblant opposants politiques, étudiants ou journalistes.
Mais la répression ne se limite pas uniquement aux rues des villes du pays, elle s’étend pareillement dans le monde numérique. De fait, l’armée birmane force immédiatement après sa prise de pouvoir les fournisseurs internet du pays à bloquer l’accès aux différents réseaux sociaux (Facebook ou Twitter) car ce sont sur ces plateformes que sont planifiées les manifestations anti-junte. Tandis qu’Internet est régulièrement coupé, un projet de loi sur la cybersécurité a même été proposé et devrait donner au gouvernement le pouvoir de censurer les contenus capables de nuire à « l’unité et la tranquillité » s’il venait à être adopté.
Malgré cette actualité tumultueuse, le Myanmar a quitté les devants de la scène médiatique internationale au fil des semaines. La situation, bien qu’elle conserve plusieurs constantes, est pourtant loin d’avoir stagné.
A l’instar du reste de la planète, la Birmanie a d’abord subi de plein fouet la pandémie du Covid 19, avec une violente augmentation des cas dès la fin du mois de juin. A l’instabilité politique s’additionne dès lors une crise sanitaire aggravée par les actions du gouvernement. Effectivement, tandis que ce dernier fait interdire la vente privée d’oxygène à usage médical, tout semble indiquer que les maigres réserves disponibles sont distribuées aux infrastructures de santés appartenant aux militaires, privant ainsi la majorité de la population de soins. Par ailleurs, selon l’ancien expert en droits de l’Homme en Birmanie Yanghee Lee, les personnels soignants ne recevraient plus de matériel de protection et ne seraient plus autorisés à soigner les malades considérés comme étant pro-démocratie. Les coupures de courant à répétitions ne font qu’aggraver une situation déjà catastrophique.
Le système de santé ainsi fragilisé, le nombre de cas continue d’exploser, dépassant aujourd’hui la barre des 300 000 contaminés, le chiffre le plus élevé de la région.
La crise politique et les violences persistent quant à elles, mais se teintent maintenant de heurts sanglants entre des militants pro-démocratie, qui appartiennent généralement à la « Force de Défense Populaire » (la branche armée du « Gouvernement de l’unité nationale » ), et l’armée birmane qui avait jusque-là le monopole de la violence.
Le vendredi 18 juin, au moins deux explosions secouent un des fiefs de la résistance de la ville la plus peuplée du pays, Yangon. Elles auraient détruit un camion militaire, tuant un chef de police et blessant plusieurs policiers et militaires, et fait sauter un taxi, tuant un civil. Attribuées aux militants, ces attaques à la bombe sont dans la continuité des explosions et des incendies criminels non revendiqués qui frappent quotidiennement les grandes villes birmanes depuis le mois d’avril.
Toutefois, la confrontation armée se fait souvent plus directe. Le 22 juin, à Mandalay, des militaires sont attaqués à coup de grenades et de tirs nourris et répliquent tout aussi agressivement. Le bilan est comme à l’accoutumée lourd, avec 8 morts du côté des miliciens et 8 arrestations. Les soldats de la « Force de Défense Populaire » sont fréquemment aidés par des groupes armés composées de minorités ethniques, à la manière de l’Armée de l’indépendance du Kachin avec qui ils mènent des assauts fin mai dans le nord-est du pays dans lesquels sont tués 8 soldats du Tatmadaw.
Malgré les sanctions et la pression internationale exercées sur la Birmanie, un retour en arrière par la junte militaire semble peu probable. Le nouveau gouvernement préfère se tourner vers la Russie et la Chine, notamment sur le plan militaire, plutôt que d’initier un retour à un système plus démocratique comme le réclament les Nations Unies ou les puissances occidentales.
- HAMDANE Rayane, T1, rédacteur.