Japonisme : Empire culturel et son assimilation en France.
“Quatre ans venaient de suffire au Japon pour attirer toute la clientèle artistique de Paris” Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883.
La relation entre Tokyo et Paris, bien que récente dans l’histoire de l’humanité, est aujourd’hui l’une des plus remarquables tant elle est flagrante et fascinante. Elle passe par des périodes de découvertes, d’exportation culturelle mutuelle, mais parfois aussi de rejet.
Dans un sens, la culture japonaise en 2021 est surement l’une des mieux implémentées ; avec l’apparition du Pass Culture la même année en France, le journal Le Parisien use de l’appellation “Pass Manga”, les statistiques montrant un réel engouement à vouloir dépenser l’argent de ce Pass Culture en produits culturels nippons chez la jeunesse.
Mais d’où vient cet attrait particulier de la France pour la culture japonaise ?
Une relation vieille de 150 ans
Le pays du Soleil-Levant, après une vague de voyages occidentaux visant à convertir le pays au christianisme, reste un pays très fermé jusqu’à l’arrivée des États-Unis, qui entreprennent d’en ouvrir les frontières au monde entier par le traité de Kanagawa en 1854. Six ans plus tard sera signé le traité ratifié d’amitié et de commerce entre la France et Japon, et débute alors l’histoire des premiers échanges entre les deux nations. L’inexistence de réglementation du commerce à cette époque-là laisse déferler un torrent d’art que l’occident ne connaissait pas du tout, et le Japon découvre le savoir-faire et la technologie de celui-ci.
La France est massivement touchée ; à l’exposition de Paris de 1868 “ La Restauration de l’ère Meiji ”, on découvre ce qui est à la fois un nouveau courant et un art inédit : le Japonisme.
L’exposition rassemble des orfèvreries, des estampes, des photographies, des textiles, des peintures et des céramiques. Elle fera découvrir de grands noms de l’art tel Kawanabe Kyosai ou Shibata Zeshin en créant une union entre artistes européens et japonais ; un art qui ira jusqu’à influencer plusieurs peintres célèbres, à l’instar de Van Gogh qui s’inspirera des Cent vues d’Edo d’Utagawa Hiroshige. Plus connu encore, Hokusai, qui n’est nul autre que l’inventeur du terme “Manga” laissera davantage son empreinte à travers le recueil d’estampes Trente-six vues du Mont Fuji dont est issue sa célèbre peinture La Vague de Kanagawa.
Progressivement, les autres arts se développent et la culture de l’archipel s’exporte très rapidement en France et se diversifie au fur et à mesure que des voyageurs français découvrent le pays. Pierre Loti en témoigne dans Madame Chrysanthème : “Malgré ces préparatifs, le séjour à Nagasaki lui révélera la distance entre la culture japonaise et la culture occidentale, la difficulté à interpréter les sentiments et les actions de ses interlocuteurs”.
Les deux pays pourtant si éloignés développent un intérêt culturel mutuel.
Le soft power japonais dans l’hexagone
Au Japon, on fait l’usage du terme “Bunka Power” ou de “Cool Japan” afin de décrire l’image de marque nationale que renvoie le pays. C’est pour dire ! Il y a même ce qu’on appelle des Nikkei Business School, qui sont de grandes écoles de marketing qui offrent le “Cool Japan Award”, une récompense de celui ou celle qui arrivera à créer le produit le plus vendeur et le plus rayonnant à l’international. Le Pays du Soleil-Levant tient énormément à son image à l’étranger avec une capacité inédite à se réinventer. En effet, deux aspects culturels ont permis à Tokyo de s’exporter en France et partout dans le monde :
- L’aspect traditionnel
- L’aspect populaire
Le côté traditionnel, plus tôt abordé dans l’article, ne se résume évidemment pas qu’aux manufactures, mais aussi à l’art de la nature, la nourriture, la poésie (comme les Haïkus japonais), les valeurs nobles telles que le sens du travail, de l’honneur, les théâtres épiques Kabuki de l’époque Edo avec ses tenues et masques aujourd’hui connues de tous, avec des instruments comme le Kotsuzumi (tambour), ainsi qu’une pincée de mysticisme avec les créatures du Folklore japonais appelées Yokai, un mélange entre l’animisme Shinto et la réincarnation Bouddhiste.
Le côté populaire est aujourd’hui bien connu de tous en France, avec cependant des débuts difficiles. En 1988, la députée Ségolène Royale essaye de faire voter un amendement afin d’interdire l’animation japonaise en France qu’elle décrit comme “exécrable et terrible” sous prétexte de défense des enfants et des adolescents contre la violence à la TV. Il y a alors une chose, pourtant contraire aux valeurs de la France, qui s’applique : la Censure. Plusieurs minutes des séries japonaises diffusées sont supprimées, ce qui rend alors la narration totalement absurde contribuant à la naissance d’un cliché selon lequel les mangas seraient “d’une médiocrité inouïe" selon Eric Zemmour en 2010 sur le plateau de Laurent Ruquier : “ Vous avez introduit un truc d’une rare indigence, et d’une violence !”
Et pourtant, longtemps les cinématographies françaises et japonaise se sont rejointes:
- Avec une apparition de Louis de Funès dans un restaurant et théâtre japonais dans le film L’aile ou la cuisse.
-Le réalisateur Takeshi Kitano récompensé au Festival de Cannes.
-La série d’animation Lady Oscar parue en 1979 et inspirée du film la Rose de Versailles.
-Le Grand Mangaka Osamu Tezuka qui portait toujours un béret sur sa tête lors des apparitions publiques.
-Des classiques tels que Du contrat Social, de Rousseau adaptés en Manga.
Les exemples de synergies sont interminables ! Les français ont développé ce qu’on peut appeler une curiosité polymorphe envers le Japon tant son histoire est riche. On peut prendre l’exemple du Voyage de Chihiro du Studio d'animation japonais Ghibli, qui mélange bien l’aspect populaire avec le traditionnel dans ses thèmes abordés dans le film.
La France est aujourd’hui le deuxième plus gros consommateur de Manga au monde, et que ce soit dans la rigueur cérémoniale japonaise ou à travers les fantasmes que peuvent susciter la bourgeoisie et la littérature française, ces deux pays se sont fortement impactés culturellement l’un l’autre. Le Japon joue finalement le rôle d’un intermédiaire entre la culture asiatique et occidentale.
- MOULA Rayan, 1re3, rédacteur.
Sources:
https://mycrazyjapan.fr/comment-le-japon-influence-la-france-depuis-plus-de-50-ans/
https://www.lejapon.paris/exposition/meiji-splendeurs-du-japon-imperial-1868-1912/
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/3a1ce97db96acc5a541f8f566cb9cde0.pdf