Boukandja : une fête oubliée

Boukandja : une fête oubliée

 

De nos jours, le réchauffement climatique entraîne de nombreux dérèglements environnementaux : sécheresse, pluies diluviennes… Par le passé, les Hommes ont souvent sollicité les faveurs de la nature, au travers des divinités, pour que la pluie soit au rendez-vous. Jusque dans les années 1960, en Algérie, une fête très prisée par les enfants était célébrée à la saison des labours dans le but de quémander les averses : la fête de Boukandja.

Boukandja est un rituel d’obtention de la pluie pratiqué en Afrique du Nord dans les zones pré-désertiques (où l’eau est rare avant la saison des semailles).

Cette cérémonie tient son nom du mot “kandjar” qui désigne une grosse cuillère ou une louche. Pendant la fête, on transforme cet ustensile en poupée appelée “Boukandja”.

Sa symbolique remonte aux croyances de l’antiquité où des offrandes étaient destinées aux esprits de la nature et aux dieux. La poupée représente une figure féminine offerte au dieu de la pluie, appelé dans certaines régions berbérophones “Anzar”.

Durant cette célébration, des enfants défilent dans les rues et les ruelles de la ville en brandissant la poupée et forment un grand cortège qui s’agrandit au fur et à mesure.

Ils s’arrêtent alors devant chaque porte et entonnent la chanson suivante :

 

« Boukandja a mal à la tête

Dieu, faites qu’il guérisse pour la fête !

Cette nuit il y aura de la pluie

Beaucoup, beaucoup de pluie

Pour que ne meure de faim la veuve

Qui lui donnera un bout de bois 

Dieu par un fils le récompensera cent fois

Qui lui donnera un peu de gras

Dieu lui donnera un mouton gras

Qui lui donnera une poignée de fèves

Dieu lui donnera la fille de ses rêves. »

 

Des victuailles leur sont alors distribuées (épices, viande séchée, graisse, farine, semoule et bien d’autres choses). Les femmes du quartier se réunissent dans l’un des jardins pour préparer du Berkoukes (soupe épaisse à base de semoule) destiné à être distribué aux familles nécessiteuses.

Cette pratique n’est pas propre à l’Afrique du Nord. On retrouve l’équivalent de la fête de Boukandja dans le sud de la Syrie et en Égypte. 

Ce rituel rappelle, par ces pratiques, une fête que l’on connaît tous aujourd’hui sous le nom d’Halloween. Les deux célébrations ont en commun les processions d’enfants et les dons de victuailles. Elles remontent toutes les deux à des temps immémoriaux et renforcent les liens sociaux en permettant notamment aux enfants de partager des moments de convivialité, de solidarité et de générosité.

 

Aujourd’hui, Boukandja est un rituel disparu et exclu de la mémoire collective.

 

– Mouna CHERGUI –