Taiwan : fièrement souveraine mais pour combien de temps ?
Le 4 octobre 2021 marque le 4ème jour consécutif d’incursions aériennes chinoises dans l’espace aérien Taiwanais. Bien que fréquents entre les deux pays, c’est par leur intensité nouvelle que se sont illustrés ces derniers tours de force orchestrés par Pékin. On parle en effet de 56 engins militaires chinois ayant volé aux alentours d’îles Taiwanaises en l’espace de 24h, dont 12 étaient habilités à transporter l’arme nucléaire. Tandis que chaque discours des représentants des deux pays fait escalader les tensions, il est important de se demander comment l’Empire du Milieu et la petite île de Taiwan sont arrivés à ce degré d’animosité géopolitique.
Faisons un peu d’Histoire pour appréhender la situation. L’île de Taiwan, chinoise de la fin du 17ème à la fin du 19ème siècle, est récupérée par le République de Chine (1912-1949) après 50 ans de domination japonaise suite à la Seconde Guerre Mondiale. Dès 1949 et la fin de la guerre civile qui se solde par une victoire des communistes, le gouvernement du parti Kuomintang (Parti nationaliste) au pouvoir depuis 1928 se réfugie à Taiwan. L’île devient rapidement le dernier territoire sous le contrôle de la République de Chine.
Depuis ces évènements, la République Populaire de Chine (Chine continentale communiste) et la République de Chine (Taiwan) se revendiquent toutes deux comme étant le seul et unique Etat chinois légitime et, par conséquent, le seul à même de contrôler les terres continentales et l’île. Toutefois, la communauté internationale se range presque unanimement derrière la République populaire qui récupère par conséquent le siège de la Chine à l’ONU en 1971, auparavant attribué à la République de Chine. De plus, seuls 15 pays (on peut retenir le Vatican ou le Swaziland) reconnaissent aujourd’hui l’existence de Taiwan comme un état souverain, un comité dont le faible effectif s’explique par la politique étrangère chinoise sur la question : tout pays entretenant des relations officielles avec Taiwan verra celles avec la Chine coupée.
Les relations sino-taiwanaises finissent par s’améliorer dans les années 80. La guerre prend officiellement fin et des plans de type « Un Etat, deux systèmes » similaire à celui appliqué à Hong-Kong sont proposés. Les investissements entre les deux pays se multiplient même si aucun processus de négociation sur le statut de Taiwan n’arrive à terme.
Alors que le statu quo la favorise depuis des décennies, pourquoi la Chine fait-elle preuve d’une agressivité décuplée ces derniers jours ? Selon certains analystes, ce serait parce que l’éventualité d’une indépendance Taiwanaise officielle commence à inquiéter Pékin depuis plusieurs mois et le gouvernement de Xi Jing Pi fait la démonstration de ses capacités militaires. Cette hypothèse s’est confirmée dans les discours officiels chinois qui ont rythmé le mois d’octobre en Asie.
Le 10 octobre, le président s’est effectivement exprimé lors du centenaire de la naissance de la République Chinoise sur la question taiwanaise. Il exprimait en effet sa volonté d’unifier les deux Etats de manière pacifique, proposant une fois encore l’idée d’ « un Etat, deux systèmes ». Toutefois, le leader a bien laissé entendre que son pays n’hésiterait pas à user de la force pour accomplir cette « tâche historique » qu’est la réunification, en adéquation avec sa « glorieuse tradition » de lutte contre les mouvements dits séparatistes.
Les déclarations chinoises sont cependant bien moins agressives qu’elles ne pouvaient l’être en début d’année, ce qui peut sembler paradoxal au vu des actions militaires menées. Alors que Xi Jin Ping se dit vouloir privilégier la paix, son ministre de la défense Wu Qian clamait que l’indépendance Taiwanaise équivaudrait à la guerre en janvier 2021.
Ces communiqués plus ou moins récents rencontrent évidemment des réponses du côté de Taipei (capitale Taiwanaise). Toujours le 10 octobre, fête nationale à Taiwan, la présidente Tsai Ing-Wen prononçait un discours centré sur le refus de sa nation de céder face à la « pression » chinoise et sa volonté de défendre le système démocratique de l’île. Son pays serait selon ses dires « la première ligne de défense de la démocratie » et prêt à faire barrage aux ambitions chinoises.
Les Etats-Unis ne sont bien sur jamais loin. Liée à Taiwan depuis 1979 par le « Taiwan Relations Act » qui permet des relations non officielles, particulièrement dans l’armement, l’Amérique s’exprime quotidiennement sur les communiqués et les propos officiels émanant de la Chine et visant Taiwan, condamnant leur agressivité et leur propension à faire planer l’ombre d’un conflit.
La situation semble loin de trouver une solution pacifique et ces différents discours ne font que la complexifier. Dans son objectif d’étendre sa capacité de déploiement en dehors de la mer méridionale de Chine, Pékin ne peut se permettre d’avoir un rival à ses portes, et encore moins un rival bastion de l’influence américaine. De plus, par fierté nationale et par crainte de l’échec que représenterait une révision à la baisse de ses revendications, la Chine ne peut accepter de céder face à Taiwan. Enfin, cette dernière semble déterminer à conserver une indépendance politique et économique totale quoique non officielle, même si cela doit déboucher sur un conflit régional voir international.
- HAMDANE Rayane, T1, rédacteur.