24 octobre 1917 : La Révolution Rouge.
C’était il y a 104 ans. La guerre fait rage. A cause des problèmes de logistiques, les Moscovites et les habitants des autres grandes villes du pays croient à la pénurie générale. Partout, chez la population comme chez l’élite de la garde du Tsar, la lassitude se fait ressentir face à l’enchaînement des défaites et aux rumeurs de rationnements. Nicholas II a déjà abdiqué depuis quelques mois face à la révolte populaire de février 1917 où la garnison de Petrograd (150 000 hommes), régiment d’élites y compris, rejoint le rang des manifestants dénonçant la guerre et la faim. Au milieu de ce chaos politique, comment les bolcheviks se sont-ils emparés du pouvoir ?
Alors que deux grandes révolutions ont déjà secoué le pays depuis 1905, celle de la nuit du 7 novembre 1917 (24 octobre dans le calendrier grégorien) marque un tournant majeur en Russie.
La poursuite de l’implication russe dans la Première Guerre mondiale par le gouvernement provisoire de Kerenski au pouvoir depuis février, décision très contestée, fait gronder la colère du peuple au même titre que la crise économique aggravée et l’absence de nouvelles réformes. Toujours à Petrograd, les bolcheviks Lénine et Trotski souhaitent profiter de la tension ambiante et arment à la lumière du jour leurs partisans, se préparant à conquérir la ville et à faire tomber le gouvernement qui y siège. Durant la nuit du 24 au 25 octobre, les « brigades rouges » donnent l’assaut mais ne rencontrent quasiment aucune résistance : les corps d’armée présents ont basculé dans leur camps depuis bien longtemps ou préfèrent rester neutres. Le palais d’Hiver, siège du gouvernement provisoire protégé par de jeunes officiers en formation, tombe en quelques heures seulement.
Un nouveau gouvernement socialiste est ainsi mis en place, le « conseil des commissaires du peuple » (1917-1946), instauration accompagnée de plusieurs décrets desquels on peut retenir l’abolition de la propriété foncière, la nationalisation des banques, ou la séparation entre Eglise Orthodoxe et Etat.
Le régime des bolcheviks reste cependant très peu stable à ses débuts, à l’image de l’ensemble de l’empire Russe, car contesté de toutes parts et sombre immédiatement dans l’autoritarisme : interdiction de grève (centaines d’ouvriers fusillés), interdiction de la presse dite « bourgeoise » (tous les journaux d’opposition, même ceux marqués à gauche), la création d’une police politique. La paix est toutefois négociée avec les empires centraux dès le 15 décembre 1917, conduisant à la signature en mars 1918 du traité de Brest-Litovsk aux clauses extrêmement désavantageuses pour les Alliés.
Dès 1918, la guerre civile débute contre l’armée blanche, fidèle au Tsar sauvagement assassiné par les Bolcheviques, et les réformes autoritaires se succèdent sous la forme de la politique du « communisme de guerre » : collectivisation, nationalisation, arrestations des opposants, dirigisme économique imposé par la violence dans les usines et réquisitions forcées de toutes sortes sont de mise tandis que les inégalités entre les différents groupes sociaux-professionnels explosent (les soldats et les cadres sont privilégiés par exemple). L’intervention des Allemands suite à la rupture des traités de paix germano-soviétiques n’arrangent en rien les choses.
L’armée rouge ressort cependant victorieuse de cette guerre civile, plus proche d’une cacophonie totale impliquant minorités désirant leur indépendance, partis révolutionnaires d’opposition et « armées Vertes » de paysans refusant de voir les tsaristes et les rouges au pouvoir. Bien installés, les bolcheviques fondent l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques en 1922.
Qu’on veuille chanter leurs louanges ou qu’on les abhorre pour leur cruauté, nul ne peut nier la « révolution » qu’ont incarnée la prise de pouvoir des soviétiques et l’avènement de l’URSS qui s’inscrit dans la continuité directe de la révolution d’Octobre. L’URSS, capable de rivaliser militairement et technologiquement avec le modèle capitaliste a tenu pendant plusieurs décennies, avant de perdre en vitesse et de s’effondrer en 1991. C’est à cette riche et complexe histoire que nous devons penser chaque 24 octobre bien que le passage du calendrier julien au grégorien fausse les dates.
- HAMDANE Rayane, T1, rédacteur.